Et des ténèbres jaillit la lumière…

 

" La divination, l’intuition des choses, appartiennent à l’artiste et au poète seuls " 
(Gustave Moreau)

 

     Comme celle de Charles Baudelaire, dont l’alchimie poétique en fit « le premier voyant », la jeunesse d’Elric Miault « ne fut qu’un ténébreux orage traversé çà et là par de brillants soleils ». Les affres de la vie transcendées, l’affliction fut transmuée en beauté et des ténèbres jaillit la lumière.

    « Les soleils couchants et les cieux brouillés » de Baudelaire avaient jadis leur idéal pictural en la peinture de William Turner, précurseur bien avant l’heure d’un nouveau style, pourtant largement inspiré, voire même emprunté, à Claude Le Lorrain, lequel considérait que la réalité suprême du monde était la lumière. Cette abstraction lyrique dont on avait vu les prémices chez Turner, trouve aujourd’hui, en l’œuvre d’Elric Miault, un épanouissement flamboyant, revêtant une allure démiurgique, une force toute primordiale dotée d’une précision raffinée. Le jeu de reflets et de lumière est ici à son paroxysme, celle-ci semblant avoir été aspirée dans la toile par quelque enchantement, conférant à ces peintures un caractère presque immatériel. Les ombres sous-jacentes ne sont plus là que pour magnifier un peu plus la luminosité et l’iridescence des couleurs talentueusement choisies. Quant au symbolisme hermétique, il n’est pas sans ajouter au mystère alchimique et nous renvoie inévitablement à l’œuvre de Gustave Moreau.

     La peinture d’Elric Miault est une irrépressible invitation au voyage imaginaire. En chaque toile, l’artiste nous conte une histoire, à la différence qu’il nous propose celle que chacun choisit d’y voir selon l’heure et selon son âme. « Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière », disait Baudelaire. Gustave Moreau ne l’aurait pas contredit, lui qui affirmait : « Je ne crois ni à ce que je touche ni à ce que je vois. Je ne crois qu’à ce que je ne vois pas et uniquement à ce que je sens ». Les tableaux d’Elric Miault sont des peintures vivantes à plus d’un titre, de par leurs effets changeants et de par les nouvelles images que l’on y projette incessamment. Réfléchissant les élans de l’âme, ses œuvres traduisent ce que Gustave Moreau appelait « les éclairs intérieurs ». A l’instar de son prédécesseur, l’imagination débridée de l’artiste nous transporte en d’autres mondes, inconnus, secrets. Cette quête des Mystères magnifie plus encore la dimension spirituelle de l’œuvre.

     Sans abuser de la comparaison, l'on peut toutefois oser un rapprochement lorsque l’on trouve les ingrédients qui permettent de reconnaître le véritable talent artistique : la création pure, unique, personnelle et novatrice. Ses pairs disaient des œuvres de Turner qu’elles attiraient le regard dès que l’on entrait dans la salle, à tel point qu’ils ne souhaitaient pas voir leurs tableaux exposés à côté des siens. Il en va de même des peintures d’Elric Miault, éclatantes de talent, de force et d’originalité, marques d’un artiste hors du commun et donc hors de son temps.

     Artiste inspiré, Elric Miault n’est pas près de perdre « le désir de peindre ».

Elisabeth Sorignet