Entretien avec Elric Miault

par Elisabeth Sorignet, critique

 

Elisabeth Sorignet : Lorsque l’on regarde l’ensemble de vos œuvres, force est de constater que nombre d’entre elles s’inspirent du monde minéral, qu’il soit d’origine terrestre – avec, notamment, la série des Gaïa – ou d’origine cosmique – à l’instar des tableaux Sator, Ouranos, Titan ...

Elric Miault : En effet, j’ai très jeune cultivé la passion des minéraux, que je collectionne. Il était donc tout naturel pour moi de vouloir inclure des minéraux réduits en poudre dans mes peintures : zircon (le plus ancien minéral de la terre), malachite, lapis-lazuli, cinabre etc… et même parfois diamant. Si l’on en croit certains astrophysiciens, nous sommes tous des poussières d’étoiles. Sans les étoiles, il n’y aurait pas de vie. Tous les éléments chimiques lourds de la table périodique des éléments ont été fabriqués par les étoiles. Le monde minéral, le monde végétal et le monde animal, tous partagent la même généalogie cosmique et ne font qu’un avec l’univers. Nous sommes tous liés.

 

E.S. : D’ailleurs, vous ajoutez aux minéraux des métaux précieux, or, argent, cuivre, bronze. Vos œuvres auraient donc des vertus lithothérapeutiques ?

E.M. : Dans l’univers, tout est énergie, tout est vibration. C’est un fait scientifique avéré par la physique. Par ailleurs, Kirlian a réussi à démontrer les effets que pouvaient avoir les minéraux sur l’aura des êtres animés. En photographiant une personne puis, en la photographiant de nouveau, l’instant suivant, accompagnée cette fois d’un minéral, il s’est aperçu que l’aura de l’individu changeait. Les vibrations de la pierre ont donc modifié le champ énergétique de la personne. Selon le minéral choisi, l’énergie sera différente et son effet sur le champ vibrationnel de celui se tenant à ses côtés le sera également. Certains cristaux sont énergisants, d'autres apaisants etc. Les vibrations des cristaux agissent sur les plans physique, mental, émotionnel et spirituel en rééquilibrant les énergies subtiles. On peut ainsi, grâce aux cristaux, réaligner énergétiquement les chakras.

 

E.S. : On pourrait donc dire que vos tableaux sont vivants…

E.M. Ce serait vrai à plus d’un titre. Tout d’abord, comme vous l’avez justement dit, parce qu’ils sont faits de minéraux et de métaux précieux et cultivent donc les vibrations qui leur sont propres. D’autre part, en raison de leurs changements chromatiques ; ce sont, en effet, des tableaux qui changent de couleur selon la lumière et selon l’endroit où nous nous plaçons pour les regarder. Ce sont donc des peintures qui vivent au gré de la lumière. Enfin, chacun y projette des images différentes, participant ainsi à la vie de l’œuvre. Comme le disait si élégamment Baudelaire, « Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière ».

 

E.S. : Dans votre nouvelle série de peintures, vous adoptez des supports et des formats différents des toiles rectangulaires classiques.

E.M. : Oui, j’avais envie de sortir du cadre anguleux et de peindre sur d’autres supports que la toile, ce que j'avais déjà fait à mes débuts. Je trouve que mon style s’accorde très bien aux disques. Ainsi, le regard n’est pas limité mais au contraire constamment renvoyé vers la peinture. Le caractère infini du cercle me plaît. Par ailleurs, les formes dénuées d’angles droits sont favorables du point de vue du Feng Shui. En outre, le bois est un matériau noble permettant des effets intéressants ; c’est une matière naturelle et… vivante ! On y revient encore… Je souhaite, d’ailleurs, continuer d’explorer d’autres possibilités avec des formes libres sans, toutefois, abandonner la peinture sur toile qui est un matériau dont j’apprécie le rendu. La création est innovation. Pour la toute nouvelle collection sur laquelle je travaille actuellement, j’ai souhaité que les toiles de lin respectent toutes les proportions du nombre d’or, gage d’harmonie. Ce nombre d’or se retrouve également dans les pyramides servant de socle à des disques, créant ainsi des peintures-sculptures.

 

 E.S. : Ces disques montés sur pyramides comportent d’ailleurs deux faces d’une même œuvre.

 E.M. : En effet, ces œuvres en trois dimensions permettent d’apprécier deux peintures sur un même support, qu’elles soient gemelles ou Yin-Yang. On peut ainsi les placer au milieu d’une pièce afin de profiter des deux faces ou bien, en changer le côté au gré de son humeur. Par ailleurs, le support de forme pyramidale respecte le nombre d’or, à l’instar des pyramides de l’ancienne Egypte, lesquelles étaient le symbole du lien entre les mondes céleste et terrestre.

 

 E.S. : Dernièrement, l’élément Eau s’est invité dans votre œuvre. D’où avez-vous tiré cette inspiration ?

E.M.  : Depuis quelques années, ma famille et moi-même résidons souvent au bord de la mer. Qui ne serait pas inspiré par l’Océan ? Après avoir peint les éléments Terre, Feu, Air, et même Ether, l’élément Eau s’est imposé. J’ai ainsi réalisé une série de peintures inspirées du monde marin en utilisant de nouvelles techniques alchimiques afin d’obtenir les rendus de coraux, de bulles, de vagues et de reflets miroitant sur celles-ci. Cependant, après cette série, j'ai de nouveau manié des couleurs plus douces, plus lumineuses, ou plus chaleureuses invitant de nouveau le contraste entre ombre et lumière qui donne tant de profondeur aux oeuvres. La blancheur immaculée comme le noir mystérieux ne sont, certes, pas des couleurs à proprement parler, mais permettent de mettre en valeur le chatoiement des métaux précieux et de jouer du contraste avec d'autres nuances qui, dès lors, affleurent, apparaissent, se manifestent et se distinguent de manière élégante et raffinée.

 

 E.S. : Le symbolisme est présent dans toute votre œuvre. Plus récemment, nous l’avons vu, avec les disques, les pyramides et le nombre d’or, mais également avec le motif de la Fleur de Vie.

E.M. : J’ai souvent utilisé la force du symbolisme et je me suis intéressé de bonne heure à la géométrie sacrée. La Fleur de Vie est un symbole très ancien qui est, d’ailleurs, un concentré du nombre d’or et de la suite de Fibonacci. La Fleur de Vie est le symbole de la Création. Toute les formes de vie, sans exception, qu’elles soient animales, végétales ou minérales, se déploient en une structure géométrique de base. A partir du cercle central, le point de départ, s’opère une division cellulaire et se développent ainsi la Graine de Vie, puis l’Œuf de Vie et, enfin, la Fleur de Vie. Représentation sacrée, la Fleur de Vie est une onde de forme puissante qui, par ses vibrations, harmonise toutes les structures, à commencer par celles de l’eau. Elle régénère, rééquilibre, dynamise et donc protège. J’ai d’ailleurs associé ce symbole à des œuvres d’inspiration aquatique. Et comme chacun le sait, l’Eau, c’est la Vie. Ainsi, ces peintures sont symboliques à plus d’un titre. De tous les éléments, c'était le seul que je n'avais pas encore entièrement exploité. A présent, c'est fait. Mais comme je l'ai dit plus avant, la nouvelle série de tableaux sur laquelle je travaille est de nouveau plus lumineuse et se farde de couleurs flamboyantes, comme de teintes opalescentes.

 

E.S. : Il semblerait que vous connaissiez moins de succès en France qu’à l’étranger. Comment expliquez-vous cela ?

E.M. : Le milieu de l’art en France est très fermé. Les galeristes et marchands d’art présentent tous les mêmes choses. Les Musées leur emboîtent le pas au travers de leurs expositions d’art contemporain. Les particuliers, à leur tour, achètent ce que l’on veut bien leur présenter. Mon univers et mon style étant très différents des courants actuels, mon travail a du mal à trouver sa place dans l’hexagone, ce que je déplore car je suis tout de même Français. C’est un paradoxe. Mais vous connaissez la formule, « nul n’est prophète en son pays »… En France, on expose des artistes russes, chinois etc. ; je ne sais pour quelle raison, peut-être parce que cela fait exotique. Alors qu’en Chine, les galeristes n’exposent que des artistes chinois, y compris les galeristes français installés là-bas ! Pourtant, une œuvre n’a pas de nationalité… D’autres artistes français, et non des moindres, ont été remarqués et appréciés en premier lieu à l’étranger bien avant de l’être dans leur propre pays. De plus, je ne « créé » pas de néons fluorescents ou de chaussures géantes ni ne donne dans le « pop art » qui date, tout de même, des années 60, ni dans le « street art » ou que sais-je encore. Mon style est intemporel et ne suit aucune mode. Je ne vais pas présenter une pissotière ou une armoire à pharmacie, ni lacérer mes toiles, ni apposer virtuellement un point blanc sur fond blanc ou un carré noir sur fond noir, ni encore imiter les dessins d’un enfant de cinq ans pour faire comme tout le monde depuis près d’un siècle. Le joug du « non art » dadaïste n’a que trop duré. Qui plus est, de nos jours, une œuvre est un investissement ; aussi la valeur financière prime-t-elle sur les qualités picturales, avec toutes les dérives que cela comporte. Heureusement, il est de nombreux intellectuels qui s’insurgent contre ce goût du néant, cette « fastidieuse rabâcherie » comme la nomme si bien Jean-Louis Harouel dans son livre « La grande falsification : l’art contemporain ». J’espère que le vent tournera et offrira un renouveau à la scène artistique française. Car des artistes inspirés, il y en a.