Rencontre avec un Maître

par Elisabeth Sorignet, critique

 

"La divination, l’intuition des choses, appartiennent à l’artiste et au poète seuls”

(Gustave Moreau)

 

     Né en 1977, Elric Miault passe son enfance en Guyane française, en Nouvelle Calédonie et à Tahiti. A 18 ans, il s’installe à Greenwich Village, New York, et s’adonne à ses passions : l’écriture et le dessin. C’est à cette époque qu’il peint sa première série de tableaux. Celle-ci est présentée lors d’une « business party » à Rhodes Island et remporte un vif succès : l’intégralité de ses œuvres est vendue. Ce sera une expérience décisive pour le jeune Elric qui décide d’en faire son métier. En 1996, il expose quatorze toiles à la Revel Gallery de Soho. C’est le début de nombreuses expositions internationales qui jalonneront le parcours de l’artiste, notamment à Tokyo, Kyoto, Genève, Paris, Monaco, Stockholm, Madrid, Casablanca…

     Elric Miault, « peintre voyageur », emprunte à diverses techniques picturales et mêle, dans la beauté, traditions et innovations en faisant usage d’or, d’argent, de cuivre, de bronze et de couleurs élaborées à partir de minéraux, de pigments et de laque. Les reflets changeants de l’or et des pierres précieuses de ces véritables bijoux picturaux confèrent toute leur magie à l’iconographie symboliste de l’artiste. La peinture d’Elric Miault porte en elle une certaine universalité et forme une œuvre unique et originale. C’est pur bonheur que de se laisser envoûter par ses toiles qui ne cessent de dévoiler, jour après jour, d’heure en heure, de nouveaux messages.

     Ne s’inspirant d’aucune école artistique, l’artiste assume son entière liberté de créer et nous surprend avec élégance, prouvant, par là-même, qu’artiste on est ou on n’est pas. L’inspiration généreuse, la liberté visionnaire et la force du style dans le déploiement des couleurs modifient notre perception, nous invitent à la rêverie, nous entraînent vers un autre monde. S’il fallait deviner quelques influences, Gustave Moreau et William Turner s’imposeraient. Novateur, Elric Miault l’est plus qu’aucun peintre, mais toujours au service de la beauté, guidé par une riche spiritualité et une technique très personnelle. Ombres et lumières se côtoient, se frôlent et s’évitent en un ballet fabuleux. Et l’on plonge dans les profondeurs de l’œuvre aux allures multidimensionnelles.

     Inimitable, son style abstracto-lyrique est assumé, autorisant un répertoire vaste et renouvelé à loisir. Non contents que chaque tableau soit un nouveau voyage, il nous est également permis de découvrir indéfiniment, en chacune de ses œuvres, de nouvelles images. Véritable alchimiste, l’artiste créé des tableaux aux reflets chatoyants, changeants et féériques, tels les robes de Peau d’âne se revêtant des couleurs du temps, de la lune ou du soleil. Selon que la lumière est d’aurore, diurne ou crépusculaire, l’or flamboie ou s’efface, la laque se fait discrète ou s’affirme.

     Unique, force est de le répéter, la peinture d’Elric Miault nous élève autant qu’elle nous fascine, nous cultive autant qu’elle nous enchante. Discrètes mais omniprésentes sont les références ésotériques, tels les symboles des planètes. Eliphas Lévi, Papus ou bien encore Robert Ambelain, furent sources d’inspiration pour l’artiste. Le somptueux Sator (2007) est un hommage au carré magique du même nom. Une cérémonie ésotérique s’opère sous les influences de la lune noire et de la planète Mercure qui, de par leur alignement astronomique, ouvrent au Mage des portes vers d’autres dimensions. Des esprits virevoltent tels des feux follets; le Magicien les purifie et les fait passer au-delà. Le turquoise et la nacre chatoient, miroitent et nous envoûtent, participant aux mystères. Rencontre (2003) : le Démiurge pointe son doigt vers une silhouette sous un ciel prodigieux. C’est certain, l’artiste a été touché par la grâce et fait de l’univers son inspiration première. Ainsi, Genius (2007), aboutissement ultime de la série des Gaïa, rend-il hommage avec magnificence au génie du Créateur et à la naissance de la terre. Les roches s’entrechoquent et s’embrasent créant la fusion des matières en une magistrale partition. Déjà, dans Gaïa 16 (2007), l’œuf cosmique avait éclos… Les formidables notes du Missa in tempore belli de Haydn résonnent alors... Parmi les autres influences musicales de l’artiste lorsqu’il peint, l’on notera Albinoni, Bach, Beethoven, Chopin, Malher, Mozart, et, bien entendu, la suite symphonique des planètes de Gustav Holst, très présente dans les tableaux Saturne, Titan et Mars-Phaleg (2008). En ce dernier, l’esprit de Mars, symbole de force et de vigueur, plane du haut de sa montagne flamboyante de carmin et d’or. Plus loin, Agartha (2006) nous exhorte à entrer dans son royaume souterrain légendaire. Serait-ce là où serait cachée la Table d’Emeraude ? Seul Caïnos (2006), gardien des portes des deux mondes, et tableau fétiche de l’artiste, le sait… Elric Miault nous guide enfin vers un songe en bleu et rose traversé de rivières d’or, Amour éternel (2016). Apaisés, nous pouvons alors emprunter le Drakkar des âmes (2010), pour un voyage aurifère dans les profondeurs de notre esprit.

     L’or, l’argent, le cuivre, le bronze, le béryl, la malachite, le cinabre, le lapis-lazuli, le corindon, le quartz et le diamant confèrent à ces œuvres une qualité magique et lithothérapeutique que l’on ne peut omettre de mentionner. Messager des temps à venir ? Au travers de son art, Elric Miault le visionnaire soigne l’âme et nous prépare… Les œuvres d’Elric Miault sont présentes dans nombre de collections privées internationales et musées, comme le Musée du Vatican, le Musée de Marrakech, le Musée national de la Légion d’Honneur et des Ordres de Chevalerie, la Fondation Adolphe de Rothschild, pour ne citer qu’eux. C’est un plaisir immense que de voir exposées les œuvres d’un vrai peintre, en cette époque où l’art, du fait de quelques uns, est moribond.

     En ces temps de grande falsification où des usurpateurs ne savent que rabâcher le « non-art », tel qu’il fut institué par le mouvement Dada il y a une centaine d’années en réaction à l’académisme, le véritable amoureux de l’Art est bien en peine. Il est d’ailleurs à noter que le Dadaïsme, contestation culturelle provocatrice, s’essouffla très vite et mourut définitivement six ans après sa création. Il est navrant et pitoyable que les hauts lieux de la culture n’accueillent de nos jours, pour ainsi dire, que ces « non-artistes ». Comment pourrait-on les qualifier autrement ? Fausses armoires à pharmacie, chaussures géante fluo, jeans en silicone, enseignes lumineuses de type néon, dessins d’enfants de cinq ans, tags en tout genre, point noir sur fond noir… On comprend pourquoi le marché de l’art contemporain suffoque, se précipitant délibérément dans le gouffre du déclin civilisationnel.

     Aux entichés de réalisme, tout en saluant la prouesse du copiste, nous aimerions tendre un appareil photo et rappeler la formule de Balzac: « La mission de l’art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer ». Quant aux minimalistes, nous souhaiterions les inviter à s’adonner au rafraîchissement de quelque mur et à laisser la place aux artistes dignes de ce nom. Car qu’est-ce que l’art sinon le talent d’exprimer la beauté et de susciter des émotions ? Nul ne doit avoir besoin d’ « intellectualiser » une œuvre pour l’apprécier… Les provocations n’ont que trop duré. L’art véritable est celui qui nous émeut, laisse libre cours à notre imagination et ne révèle pas tous ses mystères. C’est le cas des plus belles poésies comme des plus merveilleuses peintures. A l’heure où les mondains dominent le marché de l’art et où des fortunes se dépensent en mystifications, nous laisserons ces aveuglés spéculer sur le néant pour préférer l’œuvre éclairée d’Elric Miault, un Maître.

Elisabeth Sorignet